LIENS
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BIO
Salvatore Adamo
Si vous saviez…
Avec une placidité digne d’un Johnny Cash italo- belge, il nous prévient d’entrée dans une protest song au texte subtilement acide : « C’est trop facile, dis-tu, de tout peindre en bleu / Que du pipeau pour endormir les braves gens/ Mais si tu trouves que mes dires sont futiles / Et si tu penses que je me complais dans des refrains, des rengaines trop faciles… ». Adressée à un hypothétique « rebelle » qui, « du haut de ses vingt ans », condamne sans appel l’Adamo de « Tombe la neige » et des
« Filles du bord de mer » aux oubliettes du romantisme fleur bleue, la chanson a de la gueule. Du chien. Chaque parole est ciselée comme un scud drapé de velours. La mélodie pop-rock, discrètement chaloupée, trace sa route avec l’implacable bonhomie d’un classique millésimé sixties. Et les somptueux arrangements, comme ceux de tout l’album, sont signés Clément Ducol et Maxime Le Guil, deux réalisateurs surdoués de la chanson française qui en remontreraient facilement, en matière de modernité et de son, à n’importe quelle « nouvelle révélation » trendy. Bref, Adamo revient avec un vingt-cinquième album studio sous le bras et il n’est pas content. Enfin, disons qu’à 74 ans, il a des choses à dire, et qu’il ne se gêne pas pour les dire, avec la modeste et pudique élégance qu’on lui a toujours connue et dont on lui est infiniment gré. Trop influencés par cette image de chanteur candide qui lui colle à la peau et qu’il ne renie pas, on a parfois oublié qu’il fut l’un des premiers à dénoncer le franquisme dans « Manuel » et écrivit « Inch’Allah », chanson pour la paix, juste avant que n’éclate la Guerre des Six Jours.
Bien sûr, on ne vous fera pas croire qu’Adamo soit subitement devenu un émule de Jean Ferrat ni un cousin rebelle d’Ademo, le frangin PNL. Le fils de mineur sicilien émigré en Belgique et élevé dans un pensionnat religieux reste un garçon discret et bien élevé. On ne se refait pas. Pourtant, la pochette de ce nouvel album, habilement décadente, zoome, pour une fois, sur le côté authentiquement foufou de l’artiste. Qui avoue, sans fards ni fausse honte, avoir sacrifié sa vie de famille à un métier de saltimbanque et de star planétaire, un jour au Chili, le lendemain au Japon.
« En cinquante ans de carrière, j’ai fait trente-huit séjours au Japon. Pourquoi trente-huit, alors que j’aurais pu rester chez moi à m’occuper de mes enfants ? Je ne le sais pas moi-même », s’interroge- t-il, perplexe. (Que les âmes sensibles se rassurent, sa progéniture lui en aura si peu voulu qu’elle a suivi les traces paternelles : sa fille est une chanteuse hors pair, son fils aîné, bassiste de jazz, tandis que le cadet officie au sein du duo électro Fujiya & Miyagi). La vérité est que, tel le regretté Johnny, un grand timide comme lui, le doux, le courtois, l’affable Salvatore Adamo éprouve une passion intacte pour son art. Il vibre encore de tout son être à chaque applaudissement. Il adore plonger en eaux troubles dans les arcanes charnelles d’un corps à corps avec son public. Et tant pis si, dans son cas, il s’agisse plus de variété sereine que de furieux rock’n’roll. L’intensité du kiff se mesure à la même aune.
Adamo s’est d’ailleurs parfaitement entendu avec Camille, la plus extrémiste de nos chanteuses, sur un duo d’anthologie qui nous transporte presque dans l’univers magique d’un thème de comédie musicale ou des merveilleuses mélodies Disney d’antan. Une collab’ Adamo x Camille, il fallait y penser. Le grain de voix éraillé du sicilien, façon soie déchirée, s’allie particulièrement bien à la pureté limpide des vocalises camillesques. Joliment audacieux aussi, le titre « Nu », avec ses chœurs cadencés et ses notes de piano étouffées, dont le thème lui a été inspiré par le livre
« L’homme nu, la dictature invisible du numérique » de Marc Dugain et Christophe Labbé. Toujours cette obsession, hors modes, à contre-courant, de ne pas trop en dire, de ne pas se déboutonner, de rester digne. On est saisis aussi par la beauté intemporelle, poétique et cinématographique du lyrique « Tes chaînes », du touchant « Racines », ou de l’amusant « Si vous saviez… », tous trois interprétés par un véritable orchestre symphonique. Alors, candide, vraiment, Adamo ?
« Je dirais que la candeur est plutôt une manière de considérer les choses sans pollution d’idées, sans thèse préconçue. » Autrement dit, en cette époque où le formatage est roi, une vraie forme de rébellion. Dans la chanson « Méfie-toi », il nous met d’ailleurs en garde : « Méfie-toi, je ne suis pas si gentil que ça… » !